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Qui vive?
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28 mai 2007

Admit it

Admit it. Ca sonne comme un ordre, même s’il paraît que c’est un message de tolérance. C’est le nouveau slogan de John Galiano, l’icône des « fashion addicted », dont on ne doit prononcer le nom qu’en se pâmant devant tant de génie décoiffant et rebelle… Soirée de lancement du nouveau parfum de la marque Dior : ledit génie a les pectoraux huilés sous le costume blanc, les yeux maquillés façon surlendemain de fête. Il explique le concept : « admit it, ça veut dire assume ; tu es fatigué ? Assume ! Viens faire la fête quand même ! ». Puissant, le concept. Pendant ce temps, derrière le génie, des filles en string se frottent contre des barres métalliques, ça se vautre, c’est l’orgie. Ah oui, ça aussi, ça fait partie du concept : la mode donne dans « le cul », c’est ça qui est branché, admit it ! Des gourous du marketing en ont décidé ainsi : il faut faire dans le sexuel, jusqu’à l’écœurement. Décadent ? Tant mieux ! « La décadence, c’est le plaisir », « la modernité est décadente ». Vous avez bien compris le message : si la décadence ne vous branche pas, c’est que vous êtes affreusement coincé, que vous ne connaissez pas le plaisir. Pire : vous n’êtes pas « moderne ». Alors tout à coup, j’éteins ma télévision, je quitte l’orgie. Lassée. Et je repense à ce livre, que je viens de lire : « Ouvrière ». Trente ans de la vie de Nicole Magloire, OS chez Moulinex. Trente ans de peine, racontés avec des mots simples, avec ses mots à elle, retranscrits par son fils. Et toute la souffrance de ces femmes rivées à leur chaîne de montage, les années qui passent, les enfants qui grandissent, et dont on espère qu’ils ne seront pas ouvriers, qu’ils s’en sortiront, et le chômage autour, les usines qui ferment, là-bas, dans le Nord, et puis ça se rapproche, et puis un jour, le 21 septembre 2001, c’est la fin. L’usine qui ferme, et tout un monde qui s’écroule, et trente ans de vie qui s’achèvent. Nicole Magloire est de ceux qui ont lutté, de ceux qui ont occupé le site de Caen pendant neuf semaines, avant de se rendre, vaincus par la fatalité, par la marche inéluctable des choses. Vaincus parce qu’ils ne sont pas du côté de la « modernité ». Et pendant que Nicole Magloire tente humblement de dire ce que fut sa vie dans un coin de Normandie, les filles en string dansent devant la caméra pour faire vendre du parfum et lutter contre les horribles tabous de notre société en proie à l’ordre moral. Allez, Nicole, c’est vrai que vous autres, les « Moulinex », vous n’étiez pas très festives. Admit it !
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